
- Philippe Dessertine
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Découvrez l'échange inspirant de Laura André-Boyet, première femme française formatrice d'astronautes de l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Le monde de l'espace a beaucoup à apporter à celui des entreprises.
Géraldine Lance-Perrin :
Les astronautes sont de véritables héros. Ils doivent à la fois être des scientifiques, des ingénieurs et doivent savoir manipuler des objets qui n'existent nulle part ailleurs. Tout cela dans un environnement ultra complexe et extrême. Leur métier me fait rêver. C'est la raison pour laquelle je suis parti à la rencontre de la première femme française habilitée à les former : la conférencière Laura André-Boyet.
Merci de nous accueillir ici à l'Agence Spatiale Européenne. C’est un peu votre seconde maison puisque vous y êtes formatrice auprès de tous les astronautes qui se rendent à bord de la Station Spatiale Internationale (toutes agences confondues). Pourquoi avoir choisi ce lieu [pour notre rencontre] ?
Laura André-Boyet :
C'est un lieu emblématique. On est au bon endroit pour parler de cette industrie. Aussi parce que le bâtiment est magnifique.
Géraldine Lance-Perrin :
Vous exercez un métier de niche, est-ce une manière de vous sentir vivante ?
Laura André-Boyet :
Pas nécessairement. C'est une manière extrêmement forte de s'engager, dans un projet très collectif. Ce contribue peut-être à se sentir un peu plus vivant. Cela me permet aussi de participer à l'exploration spatiale sans avoir à quitter la terre ferme, ce qui me plaît beaucoup.
Géraldine Lance-Perrin :
Oui, parce que finalement vous formez les astronautes, mais vous n'avez jamais été dans l'espace.
Laura André-Boyet :
Non, Dieu merci (rires).
Géraldine Lance-Perrin :
Ça n’est pas un rêve ?
Laura André-Boyet :
Non, pas du tout. Au-delà du rêve, je pense que je n’ai pas les qualités nécessaires pour partir dans l'espace. Ça n’est véritablement pas quelque chose qui m'attire. Je préfère rester ici, les pieds sur Terre.
Géraldine Lance-Perrin :
Quelles sont les qualités pour être un bon astronaute ?
Laura André-Boyet :
Aimer apprendre, je crois que c'est la première des qualités, ou la première des volontés, parce que les astronautes vont passer beaucoup de temps en salle de classe !
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Géraldine Lance-Perrin :
Vous exercez un métier pas tout à fait comme les autres, que vous expliquez parfaitement dans le livre Open Space paru aux éditions Fayard. En quoi consiste votre quotidien ?
Laura André-Boyet :
Le quotidien est exigeant et varié. Il s'entremêle entre la théorie, la pratique et les simulations. Il n’y a pas de quotidien type. C'est très dense. Il faut jongler entre l'apprentissage, que je vais devoir effectuer avec de la théorie scientifique, et mécanique parfois, et des actions fines à mener sur certaines machines complexes. Ensuite, il faut être capable de transformer tout ça en contenu pédagogique le plus digeste possible pour nos astronautes élèves. Enfin, une partie simulation où en général on imagine … le pire.
Géraldine Lance-Perrin :
Vous vous formez avant même de former les astronautes.
Laura André-Boyet :
Oui, on se forme, et longtemps. Parce que l'éventail de compétences dispensées aux astronautes est très large. C'est aussi une des raisons pour laquelle on est des instructeurs qui se spécialisent dans certaines domaines. Parfois, il y a des domaines à la pointe qui nécessitent qu'on se forme. Nous n’avons pas la science infuse sur tout. On se forme longtemps et très profondément parce qu’en face de nous, nous allons avoir des élèves qui posent des questions compliquées !
Géraldine Lance-Perrin :
Vous travaillez dans une industrie très masculine, que faut-il avoir en plus pour intégrer ce milieu ?
Laura André-Boyet :
C'est une question qui est naturelle de se poser et c'est très difficile d'y répondre je trouve. Personnellement, j'ai pris le contre-pied de me demander sur ce qu'il fallait peut-être avoir en moins. Dans cette industrie où il y a un entre soi très fort et où les gens se connaissent depuis longtemps (ils ont souvent fait les mêmes parcours), c’est intéressant peut-être d’avoir un peu moins d'ego, d’être un peu moins en compétition avec nos collègues, de se prendre un peu moins au sérieux aussi. C'est un axe que j'ai développé et qui est assez naturel chez moi. Apporter de la valeur ne nécessite pas de l'imposer. Dans cette industrie, il faut viser sur du temps long. Cela demande de la confiance, de la loyauté, et de l'adhésion à nos idées. C'est un investissement stratégique.
Géraldine Lance-Perrin :
Quel est le moment où tout a basculé pour vous ? Quel a été le déclic qui vous a amené à travailler dans cette industrie de vol spatiaux habités ?
Laura André-Boyet :
La curiosité m'a amené à postuler à un stage au CNES (le Centre National d'Etudes Spatiales). A l’issue de ce stage, j'ai participé à un concours international des étudiants. Le concours était concomitant à un grand événement : le grand congrès international d'astronautique. Parce que j’étais étudiante, j'avais reçu une invitation par email. Comme tous les autres étudiants qui avaient fait un parcours complet dans le domaine, j’étais éligible. Mais on m'a gentiment expliqué que je n’étais pas la plus légitime pour me présenter à ce concours. C’est une chose que je n'ai absolument pas comprise. J'y suis allée quand même, pas par défi mais simplement parce que je comprenais pas [pourquoi on m’avait dit ça]. J'ai été sélectionné et j'ai gagné le premier prix.
Géraldine Lance-Perrin :
C'est un peu un hasard finalement si vous êtes retrouvé dans cet univers ?
Laura André-Boyet :
C'est surtout par du boulot, beaucoup de travail, et un peu d'audace et de simplicité. Le président du jury du concours à l'époque m'avait expliqué : « On a tout compris ce dont tu parlais, et cela dans des niveaux très techniques ». C'est très important de savoir vulgariser. Vulgariser n’est pas minimiser. Vulgariser n'est pas transformer non plus. C'est une façon pédagogique de s’adresser. J’avais déjà ça à l'époque.
Géraldine Lance-Perrin :
Comment vous préparez-vous aux formations que vous donnez ?
Laura André-Boyet :
C'est beaucoup de travail théorique, et énormément d'apprentissage. On doit tester toutes les procédures, ce qui prend beaucoup de temps. Ensuite, il va falloir faire rentrer le contenu pédagogique dans les standards de l'Agence Spatiale Européenne. Il existe des experts en la matière qui nous permettent de construire nos enseignements de la façon la plus pédagogique possible. Le temps d’un astronaute au sol est très précieux, et ils vont devoir, en plus, apprendre une énorme quantité de contenu. Il faut que cela soit le plus digeste possible. On passe beaucoup de temps à travailler, préparer et ensuite donner nos leçons.
Géraldine Lance-Perrin :
Vous formez les astronautes à ne faire aucune erreur. Comment peut-on éviter dans la vie, ou dans une carrière, toute erreur ?
Laura André-Boyet :
Croire qu'on peut éviter les erreurs, c'est impossible. On ne peut pas éviter les erreurs, même dans l'espace. C'est terrifiant de le dire, mais c'est la réalité.
Géraldine Lance-Perrin :
Une erreur dans l'espace peut avoir de graves conséquences.
Laura André-Boyet :
Oui, effectivement, comme partout. Eviter les erreurs, tout simplement, dans l'espace, sur terre ou dans notre vie professionnelle est purement impossible. Ce qu'on peut faire, c'est les anticiper, s'y préparer et surtout apprendre à y répondre de la façon la plus intelligente possible. C'est véritablement le travail sur lequel on se concentre. C'est pour cela que les simulations vont simuler des pannes, des erreurs, des erreurs humaines. L’humain va faire des erreurs. Il faut avoir une façon de penser, un protocole, une procédure, une structure qui permette d'absorber ces erreurs, de redistribuer les responsabilités et de pouvoir réagir agilement.
Géraldine Lance-Perrin :
L'arrivée de l'intelligence artificielle va-t-elle bouleverser les choses, notamment dans l'univers spatial ? Est-ce que l’IA va limiter les erreurs ?
Laura André-Boyet :
Nous utilisons déjà l'intelligence artificielle. Je l'utilise moi-même. Par contre, je l'utilise avec discernement, avec une intelligence humaine par-dessus. L’IA va être un allié très intéressant pour anticiper un éventail encore plus large d'erreurs. Jusqu'à présent, c'est nous qui, en équipe pensons les erreurs, les imaginons, les anticipons. Avoir une intelligence artificielle pour nous aider dans ce domaine va très probablement nous être utile.
Géraldine Lance-Perrin :
Le spatial lest tellement loin de nos préoccupations quotidiennes. Comment faites-vous, à travers vos conférences, pour faire des parallèles entre les astronautes, leur monde et celui des entreprises très terre à terre ?
Laura André-Boyet :
Quand on discute avec les entreprises, on se rend compte que beaucoup de problématiques sont communes. Il y a quelque chose de rassurant pour les entreprises de se dire que les astronautes ont aussi ce type de problème. Les stratégies et les techniques utilisées par les astronautes et par les personnes de l'industrie du vol spatial habité sont inspirantes pour les entreprises. Il y a des défis en termes de communication, de leadership, de collectif, d'enjeux d'innovation, de prise de risque et de prise de décision dans des situations complexes. Ce sont des choses qui résonnent beaucoup avec le monde de l'entreprise et leurs défis actuels. Les astronautes se préparent à la réussite en se confrontant à certaines dimensions d'échecs, avec les simulations qui les mettent en difficulté, ce qui est un principe universel.
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Géraldine Lance-Perrin :
Vous apprenez aux astronautes à travailler dans l'espace, avez-vous des tips pour la vie sur terre ?
Laura André-Boyet :
1- Bien choisir son équipage sur terre, son entourage personnel ou professionnel. Nos astronautes travaillent en équipage. Ce sont des équipages qui fonctionnent bien, ils sont équilibrés.
2- Avoir une bonne capacité à ranger et organiser les priorités ; et être lucide sur le fait que cet ordre change régulièrement. C'est quelque chose de fondamental à bord de la Station Spatiale Internationale et dans la vie, c'est très utile.
3- Savoir communiquer, devoir communiquer et le faire le plus convenablement et correctement possible. Et puis.
4- Anticiper, pour pouvoir gérer toute situation.
5- Enfin, être un bon camarade, tout simplement.
Géraldine Lance-Perrin :
Pensez-vous qu'on soit capable un jour de vivre ailleurs que sur terre ?
Laura André-Boyet :
C'est déjà le cas depuis une vingtaine d'années. Il y a des rotations d'équipage régulières qui permettent à des astronautes de vivre en orbite basse terrestre (à 400 km d'altitude), de façon ininterrompue depuis plusieurs dizaines d'années. Par contre, est-ce que l'humain sera capable d'aller s'installer par exemple sur la Lune ou sur Mars ou ailleurs ? Ce sont des décisions qui doivent être prises à l'échelle politique. De ces politiques vont découler des montées en gamme en termes de performance, de technologie, d'innovation qui pourraient éventuellement le permettre. Aujourd'hui, c'est un peu compliqué parce que cela demande un certain consensus et des moyens techniques et technologiques qu’on ne possède pas nécessairement. Mais si les politiques vont dans cette direction, oui, absolument.
Géraldine Lance-Perrin :
Merci Laurent André Boyer. Je retiens de cet entretien avec vous, que finalement, au-delà de la magie c’est que l'industrie du vol spatial habité a beaucoup de parallèles avec les enjeux des entreprises : gestion de crise collectif, prise de décision en situation complexe, dimension interculturelle et enjeux environnementaux.
Laura André-Boyet :
Effectivement, les enjeux environnementaux sont certains. Il faut savoir jongler dans cette industrie du spatial, et encore plus du vol spatial habité, avec toute la visibilité qu'elle représente entre les enjeux géopolitiques, géostratégiques, environnementaux, financiers et humains. Le premier objectif de cette Station Spatiale Internationale est avant tout une coopération internationale qui fonctionne très bien. C'est assez remarquable avec l'actualité dans laquelle nous sommes. Le second objectif de ce mécano géant à 28000 km heure en orbite autour de la terre est d'avoir des retombées scientifiques, d’améliorer des procédés. Pour nous, humains sur terre. Pour améliorer notre qualité de vie, ici, il n'y a pas mieux.
Imaginez l'impact d'une conférencière qui forme ceux qui travaillent dans l'environnement le plus extrême qui soit ! Dans ses conférences, Laura André-Boyet apporte une perspective unique aux entreprises grâce à son expertise dans la gestion de situations critiques où on apprend à anticiper et réagir face aux erreurs humaines.
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