Entretien vidéo de Laurent Berger

Publié par Premium Communication

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Pendant plus d'une décennie, Laurent Berger a incarné le dialogue social en France à la tête de la CFDT. Depuis son départ en 2023, l'ancien leader syndical a pris un tournant inattendu : celui de diriger l'Institut Mutualiste pour l'Environnement et la Solidarité au Crédit Mutuel Alliance Fédérale.

Dans cet entretien exclusif, l'intervenant Laurent Berger lève le voile sur sa nouvelle mission à la croisée de la finance et de l'engagement écologique et social. Il revient sur ses années à la CFDT, marquées par des tensions croissantes avec l'exécutif, et explique pourquoi il a décliné l'offre d'Emmanuel Macron de devenir Premier ministre en 2024.

Fidèle à ses convictions, il défend une vision du débat démocratique fondée sur le compromis plutôt que sur la disqualification de l'adversaire. Un plaidoyer pour le dialogue à l'heure où les extrêmes gagnent du terrain et où la verticalité du pouvoir fragilise les corps intermédiaires.

Transcription de l’échange

Gilane Barret :

Il a fait la une des médias pendant des années. On le voit beaucoup moins depuis qu'il a quitté la CFDT. Bonjour Laurent Berger, j'aimerais savoir ce que vous faites aujourd'hui. On lit partout dans la presse que vous travaillez pour une banque. Ça paraît paradoxal pour beaucoup, non ?

Laurent Berger :

Ce n'est pas du tout paradoxal en réalité. Je travaille pour le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, une banque mutualiste qui a été la première banque entreprise à mission. Elle a fait le choix de me recruter pour créer l'Institut Mutualiste pour l'Environnement et la Solidarité, que je dirige avec une équipe d'environ 45 personnes. C'est la direction ESG du groupe, c'est-à-dire une direction qui crée de l'expertise sur les enjeux environnementaux, de solidarité et de gouvernance. Nous mesurons la performance extra-financière, améliorons la récolte de données extra-financière, et accompagnons les différents métiers du groupe – banque de détail, banque d'investissement, asset management, assurance – pour accompagner la transition de nos clients, aussi bien environnementale que solidaire.

Gilane Barret :

Vous dirigez cet institut depuis février 2024. Vous avez un travail en interne à la banque et en externe pour les clients. Concrètement, qu'est-ce que ça change ?

Laurent Berger :

Pour les clients, c'est la capacité à les accompagner dans leur transition. Prenons une entreprise qui souhaite changer sa flotte de véhicules : nous proposons des offres pour aller vers l'électrification, totale ou partielle, afin de décarboner son activité. Nous accompagnons aussi nos clients dans l'éco-rénovation de leur logement ou le changement de leur mode de chauffage, en passant du fioul ou du gaz à des solutions moins carbonées. Cet accompagnement ne se limite pas aux prêts : nous prenons en compte les demandes d'aide, l'avancement des frais, etc. L'idée, c'est de continuer à faire notre métier de banque et d'assurance – nous ne sommes pas devenus une ONG – mais d'allier performance et solidarité face aux deux grands défis de notre société : le réchauffement climatique d'une part, et les inégalités croissantes d'autre part.

Gilane Barret :

Le Crédit Mutuel n'est pas une ONG, c'est une entreprise qui fait des bénéfices. Elle a inventé il y a deux ans le dividende sociétal : 15 % des bénéfices sont fléchés vers des actions environnementales ou sociétales. C'est 439 millions d'euros versés en 2023, 574 millions en 2024. Expliquez-nous comment ça marche et ce que ça finance concrètement.

Laurent Berger :

C'est assez simple. Nous sommes une banque qui réalise de la performance économique, et 15 % du résultat annuel est dédié aux enjeux environnementaux et de solidarité : c'est le dividende sociétal. Le terme "dividende" est un clin d'œil au fait qu'une banque mutualiste n'a pas d'actionnaires et est garante du temps long, davantage que lorsqu'on a une exigence de rentabilité immédiate. "Sociétal" parce que c'est la responsabilité qu'une entreprise à mission comme la nôtre entend avoir à l'égard de la société.

Le dividende sociétal fonctionne en trois volets. Le premier, c'est le mécénat. La Fondation Crédit Mutuel Alliance Fédérale est aujourd'hui la plus grande fondation d'entreprise privée en France. Elle développe des actions de mécénat pour accompagner des associations en faveur de l'environnement ou de la solidarité.

Le deuxième volet, ce sont des offres dédiées à nos clients pour les accompagner dans leur transition environnementale ou leurs actions de solidarité : prêt à taux zéro pour l'achat d'un vélo, fin du questionnaire de santé pour les prêts immobiliers, accompagnement des femmes victimes de violences pour l'ouverture d'un compte, offres d'éco-rénovation, soutien à l'installation de jeunes agriculteurs développant l'agriculture raisonnée, etc.

Le troisième volet, c'est le fonds Révolution Environnementale et Solidaire. Ce fonds finance et prend des participations dans des entreprises qui développent des secteurs innovants sur les questions environnementales ou solidaires, sans exigence de rentabilité à court ou moyen terme. L'objectif est de financer des projets qui seront structurants et constitueront des solutions pour demain : énergie osmotique, fabrication de matériaux de construction à partir de déchets, habitat partagé entre publics valides et non valides, etc. C'est notre responsabilité, pas seulement à l'instant T, mais dans les 10, 15, 20, 30 ans à venir.

Gilane Barret :

Pour ces entreprises, start-ups ou associations, comment candidate-t-on ? Comment peut-on bénéficier de ce dividende sociétal ?

Laurent Berger :

L'annonce du dividende sociétal a créé de nombreuses sollicitations. Pour le mécénat, il faut s'adresser à la Fondation. Pour le fonds Révolution, il faut s'adresser à Crédit Mutuel Impact.

Gilane Barret :

Parlons maintenant des conférences que vous donnez. C'est à la demande, ponctuellement, régulier ?

Laurent Berger :

C'est à la demande et ponctuellement, selon les besoins.

Gilane Barret :

Quels sujets abordez-vous ? J'imagine que c'est le travail, le social.

Laurent Berger :

Oui, le travail est le sujet privilégié. Je suis aussi enseignant à l'École Normale Supérieure dans une chaire "Travail et Démocratie", au sein du Programme d'Études Démocratiques. J'interviens plutôt sur les enjeux de transformation du travail, la façon dont il est soumis à deux grandes révolutions industrielles : la transition énergétique d'une part, et l'intelligence artificielle d'autre part. Le travail est aussi soumis à des évolutions en termes d'aspirations – aspiration au sens, mais aussi aspiration à la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. J'interviens beaucoup sur ces grandes mutations et les solutions à y apporter. J'interviens également sur les questions démocratiques, les enjeux de compromis et de discussion pour construire les solutions de demain.

Gilane Barret :

Ce sont des entreprises qui essaient d'anticiper l'avenir, de voir vers quoi il faut aller ?

Laurent Berger : Je crois que le rôle d'une entreprise, au-delà de son rôle propre, c'est d'avoir une capacité d'anticipation de l'avenir et d'appréhender les grands sujets du moment et ceux qui vont arriver. Une entreprise qui ne se préoccupe pas de ce qui se passe sur le travail passe à côté de son sujet. Le deuxième élément fondamental pour une entreprise, c'est de faire en sorte que ses collaborateurs aient des espaces de respiration. Le travail, ce n'est pas seulement l'accomplissement d'une tâche, d'un service ou la création d'un bien, c'est aussi un espace apprenant, un endroit où on progresse. Je le pratique avec ma propre équipe : avoir de temps en temps des gens qui viennent ouvrir les horizons, c'est utile.

Gilane Barret :

Vous intervenez aussi auprès d'associations, pas forcément que des entreprises ?

Laurent Berger :

Oui, je peux intervenir auprès d'associations si elles le souhaitent. J'ai fait beaucoup d'interventions et d'accompagnement bénévole auprès d'associations qui me le demandent.

Gilane Barret :

Ça prend quelle forme, vos conférences ? Comment ça se passe concrètement ?

Laurent Berger :

C'est à la demande. Je n'aime pas trop les personnes qui viennent, posent un sujet pendant 45 minutes, demandent s'il y a une ou deux questions et repartent. J'aime bien arriver un peu avant pour écouter ce qui se dit. J'aime avoir des interventions assez punchy au départ pour ensuite laisser le temps aux questions-réponses. Pour beaucoup de débats, le temps des questions-réponses est de plus en plus important. On a face à nous des gens qui ont soif de compréhension sur tel ou tel sujet et qui aiment bien pouvoir aller sur des angles auxquels on n'a pas forcément pensé au départ. Donc 20 à 25 minutes d'intervention, une demi-heure parfois, puis un large temps de questions-réponses.

Gilane Barret :

On a besoin de débats dans notre société, c'est ça ?

Laurent Berger :

Oui, on a besoin de débats. J'apprends beaucoup en écoutant ceux qui interpellent, qui posent des questions. On a besoin de considérer que ce n'est pas quelques personnes qui vont délivrer leur savoir ou leurs connaissances, mais qui vont aussi enrichir leur propre analyse à partir des problématiques posées qu'elles n'auraient pas forcément vues. J'aime l'échange et c'est nourrissant pour tout le monde.

Gilane Barret :

Vous en avez fait beaucoup, des débats et des échanges, au cours de votre carrière. Revenons sur votre parcours, votre expérience que vous partagez aujourd'hui. On vous connaît surtout pour cette décennie à la tête de la CFDT, de 2012 à 2023. Qu'en retenez-vous ? Quel bilan faites-vous ?

Laurent Berger :

La particularité d'une organisation syndicale, c'est que c'est une œuvre collective. Il faut l'incarner, c'était mon rôle pendant 11 ans. J'en retiens plusieurs choses. D'abord, la CFDT est devenue la première organisation syndicale durant cette décennie. Je n'en suis pas le seul responsable, mais c'était l'un des objectifs que je m'étais assigné. La période a été traversée de beaucoup de bouleversements. Ce n'est pas simple d'être à la tête d'une organisation syndicale quand on connaît le COVID, des périodes de conflits durs sur la question des retraites, et des questions parfois plus internes. Mais c'est fait de beaucoup de bons moments et beaucoup d'adversités. J'en retiens qu'on a plus que jamais besoin de dialogue social, que la voix des travailleurs a besoin d'être valorisée, mise en avant, et que c'est le rôle des organisations syndicales. J'ai essayé d'appliquer cela en allant toutes les semaines à la rencontre des salariés dans une entreprise, dans des services, et en incarnant ce qu'on portait comme propositions. Si on devait faire un bilan, le dialogue au niveau national a parfois été plus ou moins facile, mais on est tombé dans les dernières années dans une logique de verticalité qui n'est jamais très bonne pour notre démocratie. J'ai toujours essayé d'inverser la tendance.

Gilane Barret :

Prenons le début. On vous voit comme un fervent défenseur de la concertation, du compromis avec le gouvernement, surtout au début du quinquennat Macron. Comment ça se passait ? On a l'impression qu'il y avait une sorte d'idylle au début.

Laurent Berger :

D'abord, j'ai commencé avec Hollande à la tête du pays. Ça paraît d'ancien temps, mais il y avait des conférences sociales. Tout n'était pas parfait, mais il y avait une tentative de discussion sociale avec beaucoup d'accords signés entre organisations patronales et syndicales à ce moment-là. Ensuite, il n'y a jamais eu d'idylle, ce n'est pas le rapport que j'entretiens avec mes interlocuteurs. Il y avait la volonté de ma part – vous vous rappelez peut-être ma tribune dans Le Monde quelques semaines après l'élection du président Macron en 2017, qui disait "Partager le pouvoir". Face aux enjeux environnementaux, sociaux, économiques – on était encore en situation économique très difficile en 2017 – il y a besoin de concertation, de dialogue. Ça a été plus ou moins facile, mais on a connu une dégradation de ce dialogue au fur et à mesure.

Gilane Barret :

On peut parler de divorce avec Emmanuel Macron à un moment ?

Laurent Berger :

Non, parce que pour un divorce, il faut un mariage. Je n'ai jamais marié Emmanuel Macron et je ne confonds pas les rôles. Dans une démocratie, on a besoin de tout le monde. Une démocratie, c'est une société qui a décidé de reconnaître en son sein des intérêts contradictoires qui la traversent. Les intérêts des salariés, de ceux qui les représentent, ce n'est pas forcément les mêmes que les intérêts des employeurs, et ce n'est pas forcément les mêmes que ceux qui dirigent le pays. Ce qui fait démocratie, c'est la capacité à confronter pacifiquement ces intérêts contradictoires. Je n'ai jamais considéré qu'il fallait s'aimer pour ça, mais qu'il fallait se respecter et être loyaux dans nos interlocutions, dans la façon dont on dialoguait. Mais oui, il y a eu une dégradation avec une volonté de verticalité et une volonté de négation des corps intermédiaires. Quand on est responsable d'une organisation syndicale, on ne se bat pas pour soi. On ne veut pas simplement être sur la photo. C'est parce qu'on croit que c'est bon pour la situation des travailleurs comme pour la démocratie qu'on puisse s'exprimer et faire valoir nos points de vue. Oui, il y a eu une dégradation. Je suis passé par-dessus, j'ai de la mémoire mais je n'ai pas de rancune. Mais on fait une erreur dans nos pays quand on laisse de la place aux populistes, quand on refuse de dialoguer quand on n'est pas d'accord. Ça a été parfois plus facile avec le patronat dans les dernières années qu'avec l'État.

Gilane Barret :

J'ai trois petites questions politiques, vous êtes d'accord ? On a cité votre nom comme Premier ministre pendant les législatives 2024. Ça vous a fait rire ou vous avez considéré la chose ?

Laurent Berger :

Je n'ai pas considéré la chose, mais on me l'a proposée officiellement. Oui, le chef de l'État me l'a proposé. Ça ne me fait pas rire parce que ce sont des affaires trop sérieuses. Je ne l'ai pas considéré parce que ni les conditions ni l'envie n'étaient là. J'ai considéré que les conditions politiques n'étaient pas réunies et que l'envie n'était pas là me concernant. Mais ça dit quelque chose sur la classe politique : un leader syndical qui prend sa retraite du syndicalisme, qui quitte sa responsabilité, qui investit une entreprise privée – ce qui n'est pas un challenge anodin, il y avait des voies beaucoup plus faciles en termes de reconversion – et dans une situation compliquée, on vient le chercher. Ça veut peut-être dire quelque chose sur une forme d'affaiblissement de la vie politique française et de la défiance à l'égard des politiques. Mais non, je ne l'ai pas considéré. Ce n'est pas ma voie.

Gilane Barret :

Deuxième question : le pôle social-démocrate, la social-démocratie, ça vous correspond ?

Laurent Berger :

Oui, je m'y reconnais pas mal.

Gilane Barret :

Il cherche un candidat en ce moment pour 2027, vous considérez ?

Laurent Berger :

Non, c'est la même réponse. Je n'ai jamais cru à la femme ou à l'homme providentiel. On est dans un système, l'élection présidentielle, où on a beaucoup glosé sur la rencontre d'un homme ou d'une femme – en l'occurrence toujours un homme malheureusement – avec la nation, avec le peuple. Je suis un produit du collectif, donc ce n'est pas un sujet. Est-ce que ça veut dire que je me désintéresserai de ce qui va se passer en 2027 ? Loin s'en faut. Je ne suis pas rentré au couvent. Si j'ai quelque chose à dire, je le dirai.

Gilane Barret :

Justement, c'est ma troisième question, et là je sais que vous sortez du bois dans ces cas-là : la lutte contre l'extrême droite, ça reste très important ?

Laurent Berger :

Oui, la lutte contre l'extrême droite, c'est fondamental. On voit bien les ravages qui se font partout où ce choix a été fait. Je suis un produit d'un certain nombre de valeurs, et notamment le fait que l'extrême droite n'est pas compatible avec ces valeurs. C'est pour ça que je suis sorti au moment des législatives pour dire qu'il fallait tout faire pour qu'il n'y ait pas de majorité d'extrême droite au Parlement. Mais force est de constater que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de majorité d'extrême droite au Parlement, ce qui est très bien, qu'on est pour autant dans l'intelligence collective pour construire des solutions concrètes pour le pays. Je comprends cette question et je ne m'en offusque pas. Elle ne me fait ni rire ni ne m'agace. Mais ce qui se passe est trop important pour qu'on s'en désintéresse aujourd'hui. Je n'ai pas dit que je m'en désintéresserais.

Gilane Barret :

Évoquons votre livre maintenant. Vous avez publié "La société du compromis" avec Jean Viard, sorti en 2024. Finalement, le compromis, c'est un mot qui vous résume très bien.

Laurent Berger :

Oui, parce que le compromis, c'est ce qu'on fait tous à peu près quotidiennement dans nos vies. On considère que quand on a une idée, une proposition, ce n'est pas anormal qu'elle soit confrontée à d'autres qui ne sont pas les mêmes. Et la seule manière de faire émerger les choses, c'est le compromis. Pour que des règles soient édictées, il y a deux voies : la voie législative, la loi, qui est première et extrêmement importante ; puis il y a aussi la voie du contrat. Si je me recentre sur mon activité syndicale, le contrat, c'est quoi ? C'est, entre deux parties – l'employeur et les représentants des salariés – le fait de se mettre d'accord sur un certain nombre de dispositions. Et c'est comme ça que beaucoup de droits sociaux ont évolué pour les travailleurs. Bien sûr, dans notre mythologie, et c'est vrai aussi, ils ont évolué dans des grands moments de conflit, mais ils ont aussi évolué comme ça. Par exemple, personne ne le réalise, mais aujourd'hui tous les salariés du privé ont une partie de leur complémentaire santé payée par leur employeur : c'est un accord de 2013. Auparavant, ça n'existait pas pour beaucoup de salariés du privé. On ne considère pas suffisamment que l'amélioration des conditions de travail avec des équipements de protection, c'est souvent des accords signés dans les entreprises.

Je crois à la reconnaissance d'intérêts contradictoires qui traversent le monde du travail et la société. Et je crois qu'une partie des choix opérés peuvent se faire sur la base de compromis. Le compromis, ce n'est pas du tout la reddition vis-à-vis de ses idées. C'est la capacité à porter ses idées, à les confronter à l'autre et à regarder comment on trouve le point d'équilibre à un instant T. C'est pour ça que j'ai créé cette collection.

Gilane Barret :

Le livre s'inscrit dans une collection plus large ?

Laurent Berger :

Oui, j'ai créé cette collection parce qu'on n'a pas cette culture-là. Le compromis, on l'a toujours associé à la compromission. Je crois que je n'ai pas d'ennemis, j'ai des adversaires parfois sur les idées. Le travail de conviction est à faire, et surtout le travail de la recherche de compromis. Regardez aujourd'hui : le débat public se résume souvent à la disqualification de celui avec lequel on n'est pas d'accord. Ça ne peut pas être ça, la solution, parce que ça offre des voies royales aux extrêmes. J'ai voulu créer cette collection pour expliquer que sur un certain nombre de propositions, d'idées, de sujets – le travail, la démocratie locale, bientôt l'entreprise, bientôt les discriminations, plus tard la science – il y avait des compromis à opérer dans la société et que c'était porteur de progrès pour la démocratie. On a initié ça avec Jean Viard, qui est le patron des éditions de l'Aube, par un petit dialogue qui s'appelle "Pour une société du compromis".

Gilane Barret :

Pour terminer, comment qualifieriez-vous l'état du syndicalisme en France ? Vous avez été à la tête de la première organisation syndicale, mais lorsqu'on regarde les chiffres, ça reste marginal par rapport à la société. Comment voyez-vous ça ?

Laurent Berger :

Les chiffres d'adhésion de la CFDT sont sortis la semaine dernière, ils sont encore plus nombreux que l'année dernière : 640 000. Je dis "on" parce que je suis toujours adhérent de la CFDT. On est 640 000, dont 52 % de femmes. Prenez tous les partis politiques confondus, ça fait beaucoup moins que 640 000. Et la CFDT est une des organisations syndicales, pas la seule. Quand je dis ça, ce n'est pas défensif, c'est pour dire que oui, on pourrait avoir beaucoup plus d'adhérents. J'ai été président de la Confédération européenne des syndicats pendant quatre ans et dans d'autres pays, il y a beaucoup plus d'adhérents aux organisations syndicales. Mais c'est parce que les systèmes sont différents : l'accès à la protection sociale est conditionné au fait d'être adhérent à une organisation syndicale, on n'a pas les acquis de la convention collective si on n'est pas adhérent, etc. Et il y a des cultures plus propices.

Mais le syndicalisme a beaucoup de défauts, comme beaucoup d'institutions humaines. Mais il est aussi une force. Je qualifierais l'état du syndicalisme en France de fort au sens où il pèse encore, pas suffisamment nombreux, mais d'indispensable. Mon histoire est constituée de beaucoup de références au combat contre les totalitarismes. Partout où on n'a pas de syndicalisme, on n'a souvent pas de droits sociaux, c'est sûr, mais on n'a souvent pas de droits humains non plus. C'est un vecteur de la démocratie fondamental, comme le sont les associations, comme le sont les entreprises, comme le sont les politiques. J'ai toujours un peu de mal à critiquer des acteurs de la démocratie, que ce soit le syndicalisme, l'associatif ou le politique.

Gilane Barret :

Merci beaucoup. Faire bouger les lignes de la société par le compromis, on peut résumer peut-être ?

Laurent Berger :

Oui, je crois beaucoup à ça.

Gilane Barret :

Merci beaucoup Laurent Berger.

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